Cela fait bien des mois que je comptais écrire une critique de ce manga, mais je ne trouvais jamais le temps de le relire. C’est chose corrigée et je profite donc du temps que j’ai là pour pouvoir dire tout le bien que je pense de cette mini-série en deux volumes, car c’est typiquement le genre d’oeuvre qui marque les personnes qui le lisent.

Et oui, comme la plupart des choses que je critique en ce moment, il y a pas mal de bestioles velues pour un maximum d’efficacité en terme d’émotions (je reviendrai sur ce concept dans un futur article).

Le Petit Théâtre des Horreurs

Pandemonium conte l’histoire de Zipher, un chien parti s’aventurer dans les terres les plus désolées pour trouver le Village des Difformes et leur demander de rendre la vie à la personne qu’il aime et dont il traîne le cercueil. Alors qu’il est à bout de forces, il est trouvé par des personnes déformées et ramené dans leur village le temps de récupérer. Se rendant compte qu’il est arrivé à sa destination, Zipher fera tout pour tenter de les persuader d’exaucer son souhait, quitte à tout faire pour rester le plus longtemps possible et les forcer à l’aimer.

Je ne vais pas aller plus loin, puisqu’une bonne partie du plaisir de la lecture de ce manga vient de la découverte de son étrange univers et aussi et surtout de ses personnages plus que complexes. Zipher en particulier est un des personnages les plus travaillés et complexes que j’ai eu le plaisir de voir récemment, nous livrant des moments de doute et toujours au bord de la folie apparente. Idem pour le personnage de Molte, une souris aux tendances suicidaires qui fait monter la jauge de malaise à chacune de ses apparitions quand on se rend compte qu’il n’y a aucune blague sous-jacente.

Pandemonium est une histoire d’histoires et parle de la mort avec une justesse parfois affolante et une puissance qui peut faire fonctionner les glandes lacrymales sans que l’on ne s’en rende compte (chose qui arrive par ailleurs souvent à Zipher). On y parle aussi de handicap et du rejet de la différence et même si ces deux thématiques sont un poil moins travaillées, elles n’en restent pas moins présentes et peuvent rendre les choses très intéressantes. Niveau rythme, l’histoire prend vraiment son temps pour mettre toutes ses pièces en place et n’hésite pas à se poser pour nous permettre de nous attacher encore plus à ces personnages atypiques et ainsi rendre les moments plus « violents » plus efficaces.

Pandemonium 2

Le seul gros défaut que je trouve à ce manga au niveau de l’histoire, c’est un point à priori très important qui n’est jamais suffisamment mis en avant. Certes, ça ajoute un côté mystérieux et beaucoup de profondeur à l’univers, mais ça n’en reste pas moins frustrant de voir aucune résolution arrivé à la dernière page. Accessoirement, et même si l’histoire est parfaitement contenue et le rythme maîtrisé, les deux tomes sont tellement passionnants que l’on finira fatalement frustré, étant donné qu’on les finit très (trop) vite. On voudrait en savoir bien plus sur les personnages et les voir en dehors de cette aventure, mais Sho Shibamoto est depuis bien longtemps passé à autre chose et il n’y a aucun signe qu’il y revienne avant longtemps.

Enfin, il convient de parler du second très gros point fort de ce manga : son esthétique si particulière. On sent que Sho Shibamoto est un character designer dans l’âme, puisque presque aucun personnage ne se ressemble et tous ont bénéficié d’un soin particulier. Mon design préféré est Malsus, le vautour à six ailes avec un visage faisant penser à un personnage de manga des années 80/90 et une prestance qui fait qu’il ressort de chaque case dans lequel il apparaît que vous pouvez voir dans l’image ci-dessus. De plus, les pages sont toutes colorées pour donner un mélange cuivré pas déplaisant (même si parfois difficilement lisible, il faut l’admettre) et chaque case est détaillée à un niveau confortable pour rendre l’action crédible, mais pas trop chargée pour éviter de nous perdre.

Je ne vais pas m’étendre plus longtemps pour vous laisser le plaisir de la découverte de ce conte macabre, mais je ne peux vous laisser sans vous dire de lire Pandemonium. Ses personnages sont excellents, son histoire prenante et c’est un véritable plaisir pour les yeux. Étant sorti en 2014, le manga est assez difficile à trouver en librairie et je dois avouer que 30€ pour deux tomes, aussi gros soient-ils, peut faire mal au porte-feuille quand on prend en compte le fait qu’on finit de le lire en moins de deux heures. Mais si vous pouvez mettre la main dessus, n’hésitez pas à le lire. Il vaut clairement le coup d’oeil et je ne remercierai jamais assez Ki-oon d’avoir pris la peine de le traduire et le sortir chez nous !

Benjamin « Red » Beziat