Il est assez rare que je sorte d’une salle de ciné sans vraiment avoir un avis bien clair sur le film que je viens de voir. Bizarrement, la dernière fois que ça me l’avait fait, c’était avec le Prince of Persia de Disney, soit une autre adaptation de jeu vidéo en film.

Et avec le film Ratchet & Clank, je suis sorti mitigé. Ce que j’ai vu était plaisant, mais après m’être pris mandale sur mandale avec Dofus et Zootopie (et Kung Fu Panda 3 dans une moindre mesure), ça fait drôle de passer à un film moins… Ambitieux. Alors certes, Blockade Entertainment, Rainmaker Studios et Insomniac Games l’étaient, puisque c’est avec ce film que se joue l’avenir de la série et aussi le nouveau business plan de Sony de faire des gros films basés sur leurs licences les plus prisées (celui qui objectera en disant Heavenly Sword aura en partie raison, mais bon, sérieusement, ce film a été tellement peu mis en avant qu’on l’aurait cru balancé à l’abattoir), mais Ratchet & Clank est tellement convenu que quand je suis ressorti de la salle, je n’avais pas eu l’impression d’avoir vu quelque chose de révolutionnaire (contrairement à Dofus, que je continuerai de soutenir jusqu’au bout). Ça restait plaisant, mais c’était loin d’être une tuerie intergalactique.

Après, il faut aussi se replacer dans le contexte que ce film n’est autre qu’une adaptation d’un jeu sorti en 2002, à une époque où les scénarios de jeux de plateforme restaient encore rudimentaires et passaient au second plan et on était encore loin du souffle épique de la trilogie Future sortie sur PS3. De plus, il faut introduire un univers complexe à un public non initié, et prendre énormément de risques en termes de narration ou quoi, c’est un coup à perdre une bonne partie du public. Est-ce que c’est réussi ? Oui et non. L’histoire se suit sans trop de problèmes, étant donné qu’elle est ultra classique et ultra clichée, mais demande à un non-fan ce qu’est un Blargh et il te regardera comme si tu avais un peu de vomi de ta précédente soirée encore coincé au fond de la gorge.

Du coup, le film raconte l’histoire de Ratchet, un Lombax mécanicien tentant tant bien que mal de faire vivre le garage de son père adoptif, et ce malgré son rêve de faire quelque chose de plus grand. Et ce quelque chose de plus grand, ce serait devenir un ranger galactique. Bien évidemment, il ne va pas y arriver du premier coup, mais forcément que oui passé un certain point dans l’histoire. Dans un autre côté de la galaxie, le Président Drek s’amuse à détruire des planètes à bord d’une mini-Étoile Noire et prévoit d’éliminer les rangers galactiques, car ces derniers ont commencé à s’intéresser de trop près à son plan machiavélique.

Comme dit plus haut, le scénario ne réserve absolument aucune surprise pour quiconque aurait vu un film d’aventure dans sa vie, mais cette aventure se suit avec plaisir, car ce qui faisait la force de la série de jeu et qui lui a permis de tenir 14 ans, c’est son cast de personnages varié et tous plus débiles les uns que les autres… Mais non sans quelques remaniements. Ratchet passe d’un lombax espiègle et légèrement provocateur à un adolescent assez facilement impressionnable et un peu candide sur les bords, tandis que le Docteur Nefarious connaît avec ce film une sorte d’origin story, car avant de devenir le robot mégalo que l’on aime tant, ici, il est un alien ressemblant à peu de choses près à Megamind en vert. Le fan hurlera un peu en le voyant de la sorte, mais visiblement il fallait une sorte d’explication à pourquoi le Docteur est un robot.

Le reste du cast reste inchangé par rapport au jeu et le Capitaine Qwark est toujours autant un adorable bouffon imbu de lui-même. D’ailleurs, un léger problème que j’ai eu à un moment du film, c’est quand j’ai réalisé qu’en dehors de Clank et d’une des rangers, absolument tout le monde est atteint de stupidité à des degrés variables, donnant un peu l’impression de n’avoir droit qu’à des archétypes et non des personnages à part entière, parfois en double ou triple, au point que ça devient presque mentalement épuisant. D’ailleurs, ce n’est pas tant l’histoire de Ratchet et Clank plus que ce n’est celle des gentils VS les méchants avec une petite pointe de Ratchet et Clank.

Un autre point qui m’a pas mal contrarié vient du fait que ce film va très mal vieillir et très vite. Je ne sais pas si ça vient de la version française ou du script original, mais à beaucoup d’occasions, on trouve des blagues faisant écho à des choses appartenant à notre monde. Ainsi, on aura des références à Twitter et Youtube (et les « youtubeurs ») balancées sans aucune véritable raison (faisant que si l’un ou l’autre disparaît dans cinq ans, bah la blague aura moins d’impact), ainsi qu’une référence à South Park tellement hors de propos qu’elle choque pas mal, surtout quand on voit que le film est destiné à un assez jeune public. D’ailleurs, vu le nombre de jurons balancés dans le film et cette impression de voir les acteurs en roue libre, j’ai eu l’impression de regarder un film qui aurait été doublé dans les années 80, ce qui, dans un sens, est étrangement rafraîchissant.

Ratchet Movie 2

D’ailleurs, en parlant de doublage, parlons du point qui fait le plus débat : l’utilisation des « célébrités de Youtube » pour ce film en lieu et place des voix originales, le tout grâce à La Belle Compagnie, qui a jugé plus pertinent que ce film rapporte un max de blé plutôt que de satisfaire les fans de la série (ce qui dans un sens se comprend, même si c’est un peu regrettable). Personnellement, je n’ai jamais vu une seule vidéo de Squeezie, John Rachid ou bien Le Rire Jaune et… Bah c’est pas gênant. Bien évidemment, ça s’entend qu’ils ne sont pas des doubleurs professionnels et on repère aisément qui joue quel personnage, mais pour un quasi-premier essai, ils se débrouillent plutôt bien. Squeezie en particulier, qui joue Ratchet, joue le personnage plutôt bien et en dehors de quelques petits couacs ici ou là et d’un « A-llez ! » plus que gonflant, bah je n’ai aucune véritable objection à le voir participer au doublage de plus de films (du moment que d’autres professionnels continuent de l’encadrer et qu’il s’entraîne, bien évidemment). Le reste du casting est formidable, avec notamment un Patrick Poivey (a.k.a. le doubleur de Bruce Willis ou Grougalourazalar dans le film Dofus) déchaîné qui joue un Capitaine Qwark encore plus débile qu’à l’accoutumée, Alain Dorval qui remplace le Stallone de la V.O tranquillou pépère tandis que Bernard Allane, lui, semble s’en donner à coeur joie en incarnant le méchant Drek.

Le choix de casting le plus bizarre ne repose pas sur les stars du net, mais sur Christophe Lemoine en Docteur Nefarious. Dans les jeux, on a pour habitude d’entendre la voix grave et déglinguée de Philippe Peythieu (qui double Homer Simpson), mais là, on a une voix stridente. Toujours aussi déglinguée, mais stridente. La voix de Cartman dans South Park en somme. Certes, l’un comme l’autre conviennent au personnage, mais ça fait bizarre de passer d’une dizaine d’années de voix grave soudainement à quelque chose de plus aigu.

Dans tous les cas, quelque chose me dit que voir le film en français et en anglais peut se révéler pertinent, puisque je suspecte fortement l’écriture d’être assez différente et puis même, avoir le casting du jeu original en VO, ça se laisse écouter.

Pour ce qui est de la partie animation, on sent que Blockade et Rainmaker ne se nomment pas Disney ou Dreamworks. La qualité des lumières et des images de synthèse sont bien en moins impressionnants, mais ça se comprend parfaitement, puisqu’ils n’avaient pas plus de cent millions de dollars sur un coin de table à dépenser dans un film incertain de rencontrer son public. Après, de là à dire que c’est moche, faut clairement pas pousser. On dirait une longue cutscene de l’épisode PS4 en un poil plus détaillé et c’est franchement déjà pas si mal. Musicalement, en revanche… Rien ne ressort. C’est de la musique d’ambiance comme rarement j’ai pu en entendre, ce qui est un peu dommage.

Du coup, est-ce que le film est bon ? Oui, bien évidemment. Il ne révolutionnera pas le monde de l’animation, ni le monde des adaptations de jeux au ciné (coucou Dofus), mais il se laisse regarder sans déplaisir. Ce film, c’est plus qu’une tentative d’introduction de l’univers Ratchet & Clank aux non-joueurs, mais une véritable lettre d’amour aux fans de longue date. Le fan de Ratchet & Clank que je suis est ravi. Après, il est juste dommage que l’écriture soit un peu trop convenue et que certaines blagues condamnent le film à être un film ancré en 2016 et non aussi intemporel que ne l’était le jeu original, mais on rigole quand même pas mal, et c’est tout ce qui compte.

Benjamin « Red » Beziat