Il est très rare que je me sente aussi bête (har harrr) en écrivant une critique, mais dans le cas du Garçon et la Bête, bah… Je me sens un peu beaucoup mal. Tout simplement parce qu’à l’heure où ces lignes sont écrites, ça fait à peine cinq heures que je suis sorti de la salle de ciné et… J’ai déjà oublié un quart du film. Normalement, on peut dire que c’est très mauvais signe, mais encore une fois, c’est parce que c’est Mamoru Hosoda. Ça m’a fait la même chose avec Summer Wars, et ça m’a fait la même chose avec Les Enfant-loups Ame et Yûki, où j’avais l’impression que j’étais tombé dans une faille spatio-temporelle et que plusieurs semaines s’étaient écoulées alors qu’au final, il ne s’était écoulé que deux heures.

Bah là, c’est pareil. En sortant du film, j’avais l’impression d’être resté assis plus de quatre heures, ce qui était à la fois une bonne et une très mauvaise chose.

Vous connaissez désormais très probablement la rengaine : plus on descendra dans l’article, plus ça va spoiler, donc si vous avez déjà vu le film, vous pourrez lire cet article jusqu’au bout, car je reviendrai plus en profondeur sur certains points. Pour les autres qui n’ont pas vu le film, vous pouvez continuer. Je mettrai quelques images et au-dessus de l’une d’elles il devrait être écrit « Spoiler » en lettres de feu ou un truc du genre. Bref, place à la critique non-spoilante :

Le Garçon est bien Bête

Grosso modo, l’histoire du Garçon et la Bête se situe dans un Japon très actuel. Suite au décès de sa mère, un jeune garçon fait une fugue et vit seul dans les rues de Shibuya. Un jour, alors qu’il tente d’échapper à la police, il tombe sur un monstre aux traits d’ours qui souhaite le ramener chez lui pour en faire son disciple. Le monstre convoite le poste de Seigneur des Monstres et la condition pour qu’il le devienne est qu’il ait un apprenti ou un fils sous la main. Ne pouvant avoir d’enfant car grand solitaire, il décide de se rabattre sur un enfant humain.

Je ne vais pas aller trop dans les détails, mais l’histoire reste dans la lignée de celles que Mamoru Hosoda nous a déjà pondu avec Summer Wars et les Enfant-loups. Ainsi, on y voit encore une fois les thèmes de la famille, de l’adolescence et de notre place dans un monde qui peut parfois avoir énormément de mal à nous accepter. Du coup, si on a déjà vu ses précédents films, on n’aura que très peu de surprises. La structure est même étrangement calquée sur celle des Enfant-loups, puisque séparé en deux parties bien distinctes. Heureusement, contrairement à ce dernier, Le Garçon et la Bête ne fait pas un 360 Yoloscope dans sa deuxième partie*, préférant réserver son festival de sourcils levés dans ses vingt dernières minutes, au cours d’une troisième partie qui sent le rajouté et dont on se serait franchement bien passé. Et même si on peut comprendre les intentions derrière, je ne pouvais m’empêcher de penser que la thématique abordée aurait mieux fait d’être réservée à un autre film, puisqu’ici c’est expédié beaucoup trop vite et le film prend des raccourcis un peu trop faciles.

(* Je n’ai pas vraiment aimé la deuxième heure des Enfant-loups, car même si ça restait cohérent par rapport au propos de l’histoire, le changement de ton me rendait très sceptique.)

De plus, certains personnages, bien que sympathiques, restaient beaucoup trop plats pour connaître un développement intéressant. Je repense notamment à deux personnages qui apparaissent dans la seconde partie et qui sont tellement cantonnés à leurs rôles qu’ils ne font avancer l’histoire que parce que l’histoire leur dit de le faire et non parce que eux auraient logiquement pu la faire avancer. Donc au lieu que les personnages fassent avancer l’histoire, c’est l’histoire qui fait avancer ces personnages. L’attachement que l’on aurait pu avoir disparaît totalement. Et c’est sans compter sur le personnage principal, dont la personnalité s’efface presque totalement en seconde partie et dont certains choix laissent totalement perplexe, puisqu’ils sont soit illogiques, soit précipités.

On se retrouve avec un film possédant une première partie très forte, une seconde qui perd totalement en efficacité et un final tellement superflu et forcé que l’on aurait souhaité que ces vingt dernières minutes aient été consacrées au renforcement de la seconde partie. Bref, niveau histoire, j’ai été pas mal déçu. Était-ce parce que mes attentes étaient astronomiquement élevées ? Possible. Après, niveau animation, en dehors des foules en 3D un peu cheapos, il y a largement de quoi satisfaire les yeux, avec une séquence d’introduction splendide et des combats dynamiques, où chaque coup se ressent (même si ça souffre de la comparaison avec le film Dofus, puisque niveau inventivité et dynamisme, on passe à un cran en dessous). Le character design, quant à lui, est vraiment très bon, avec une foule de visages différents et le fait que chaque personnage de l’autre monde soit animal permet de très facilement les retenir. Les musiques, encore une fois sont passe-partout, mais restent néanmoins dans la lignée des autres B.O des films de Hosoda.

Malgré tout ça, on se retrouve avec un bon film, mais un film de Hosoda un peu bif-bof. Légèrement au-dessus des Enfant-loups pour moi, mais biiien en dessous de Summer Wars.

Note : Ours sur Sanglier

Et là, on arrive à la Zone Spoiler. Après cette image, je rentre en mode full spoil sur les points les plus plaisants et les plus déplaisants, notamment cette fameuse troisième partie. Bref, si vous avez déjà vu le film ou bien n’en avez pas grand chose à cirer, je vous invite à poursuivre. Sinon, mieux vaudrait que vous vous en arrêtiez là, ou bien que vous reviendriez le jour où vous aurez vu le film ♪

Le_Garcon_et_la_Bete

La bête tease l’humaine

J’ai préféré éviter d’en parler, mais la thématique qu’aurait du aborder Hosoda dans un autre film que celui-ci est « le vide que tout le monde possède en lui ». C’est une thématique que je vois que trop peu et c’est une excellente chose qu’elle soit abordée… Mais pas dans ce film. Déjà, ça sert de base à un subplot qui rentre ensuite en compte de manière quasi-arbitraire dans la troisième partie du film et c’est plus ou moins traité par-dessus la jambe. Du coup, j’avais l’impression d’avoir un film sur un garçon vivant dans un autre monde et vivant par la suite en décalage avec le sien et à côté un épisode d’une série à propos du stress que subissent les gens au point de ne plus savoir qui ils sont. Ces deux thématiques peuvent bien s’imbriquer et dans un sens, le film essaye, mais se rate, la faute à un manque de développement des personnages impliqués et le fait que la partie en traitant fleure l’ajout de dernière minute.

Et justement, je vais revenir sur cette fameuse troisième partie, car elle arrive plus ou moins en même temps que la résolution de l’histoire globale. On a deux-trois indices sur le fait qu’elle arrivera, mais quand ça arrive, on est juste prêt à voir le rideau se baisser et à quitter la salle. Bien fait, le coup de théâtre peut relancer l’intérêt du spectateur et nous agrippe à notre siège, mais là, ça marche tout simplement pas, puisque non seulement on le voit venir à dix-mille kilomètres, mais, en plus, le changement de ton apporté ainsi que le manque d’explications sur certains points fait que l’on aurait envie que ça finisse. Pire encore, la raison pour laquelle ça arrive n’a pas été assez développée, au point que l’on s’en fiche royalement. Le film aurait passé ne serait-ce que cinq minutes dessus durant la première et deuxième partie, ça serait mieux passé. Mais là, la cause n’est mise en avant littéralement moins d’une minute.

Idem pour le personnage secondaire qui lie le monde des humains à celui des monstres dans la seconde partie. Elle se cantonne à son archétype et connaît un développement tellement prévisible pour du Hosoda qu’elle pourrait ne pas exister et être remplacée par quelqu’un d’autre, ça ne changerait rien.

Plus positivement, je vais revenir sur les scènes de combat, toutes parfaitement animées. Chaque mouvement a le poids qu’il faut et on ressent véritablement l’impact de chaque coup. Les duels entre l’ours et son rival en sont la meilleure illustration, notamment le dernier, où j’ai plus ou moins poussé un petit « ouuuuh » en voyant le dernier coup.

D’ailleurs, en y repensant, c’est moi ou Hosoda a une fascination avec les lapins et les baleines ? Ok, la figure du Seigneur en tant que lapin ici est plus lié aux mythes japonais qu’autre chose, mais encore une fois, le lapin est badass, comme King Kazma dans Summer Wars. Certains argueraient qu’il a aussi une fascination avec les chiens et les loups au vu du nombre de passants canins et d’autres diraient qu’il est carrément furry sur les bords, ce à quoi je dirais… Que c’est très possible.

Benjamin « Red » Beziat