Beaucoup de séries « grand public » se disent « adultes » et « matures », mais c’est bien trop souvent pour balancer des vannes bas du front et potentiellement glisser une scène de nu sans véritable raison autre que « lol, sont à poil ».

Mais BoJack Horseman est vraiment une série adulte et mature, et même si elle se pare des deux éléments cités plus hauts, c’est très souvent pour prouver quelque chose et dire quelque chose à propos de la dépression et le sentiment de vide qui nous habite à des degrés plus ou moins grands. Et pour ceux qui ont connu cet état dans ses degrés les plus terribles, la série devient terriblement efficace, au point de presque devenir un miroir qui nous met mal à l’aise. Et, bizarrement, on adore ça.

Back in the 90’s

Histoire de remettre en contexte pour ceux qui ne connaîtraient pas la série : BoJack Horseman est une série exclusive à Netflix mettant en scène le héros éponyme, un cheval anthropomorphe ayant la cinquantaine connu pour avoir été la star d’une sitcom américaine mielleuse durant la fin des années 80 jusqu’au milieu des années 90. S’en est suivi une longue traversée du désert dont il n’est jamais ressorti, jusqu’au jour où son agent lui propose d’écrire une biographie.

La série se présente comme une comédie assez naïve avec son trait volontairement simpliste et ses animaux anthropomorphes se mélangeant à la population humaine comme si de rien n’était (mais retenant quelques unes de leurs manies, comme les chiens aimant attraper des balles) et où l’on se moque gentiment d’Hollywood et ses dérives, mais la façade ne fait que dissimuler des scènes assez terribles de drame humain, où les personnages devront faire face à différents conflits, aussi bien extérieurs qu’intérieurs et des situations parfois terribles, comme la mort de quelqu’un qui leur est cher.

Là où BoJack Horseman fait les choses bien, c’est que contrairement à beaucoup de série, elle prépare le terrain pour certaines scènes dramatiques en injectant un peu de comédie avant, tombant de fait très rarement dans le piège du « Bon, bah cette scène lourde est passée, regardons maintenant notre sidekick rigolo semer le chaos ». Certains épisodes vont aller jusqu’au bout pour susciter des émotions parfois extrêmement violentes et un malaise assez insidieux qui peut ramener en vous des souvenirs plus que désagréables. Ces sentiments peuvent parfois devenir plus qu’impressionnants, au point que vous pourriez avoir l’impression d’avoir été anéanti et vous pourriez passer les dix minutes qui suivent à reconsidérer certains de vos choix de vie. J’aimerais bien blaguer, mais certains épisodes de cette série m’ont fait exactement ça, alors que ça ne m’est arrivé probablement que cinq fois de toute ma vie, deux d’entre eux étant quand j’ai vu lesdits épisodes la première fois.

Et, aussi étonnant que cela puisse paraître, cette série peut avoir des vertus thérapeutiques, puisqu’en la regardant, on se rend compte à quel point on n’est pas seuls et que d’autres personnes peuvent traverser des épreuves similaires (une notion assez abstraite lorsque l’on fait face à la dépression, car notre isolement fait que l’on se coupe du monde). On voit ces personnages faire face à des situations que l’on a traversé et parfois ils réussissent à la résoudre, et parfois pas du tout. Comme dans la vraie vie, en somme.

Bojack Horseman 2

Cependant, il y a un petit point noir en ce qui me concerne, et c’est l’écriture dans certains passages, puisque même si les histoires sont toujours très bonnes et intéressantes, il arrive bien assez souvent que le récit s’arrête net pour laisser place à des monologues des personnages pour appuyer le point de ses auteurs. Et, dans certains cas, le message des auteurs est un peu trop forcé, au point que le personnage qui dit le monologue n’apparaît plus en tant que personnage à l’écran, mais plus en tant que lecteur de script. Parfois ça passe, mais d’autres, ça sonne non pas faux, mais juste pas naturel. Bien évidemment, insérer ce genre de message lourd de sens de manière naturelle est le pire genre de cauchemar qu’un écrivain puisse avoir, et l’insérer dans un dialogue peut aussi être assez compliqué puisque le message passe dans le domaine du sous-entendu, faisant que le spectateur peut le perdre, mais il arrive certains moments où l’on a l’impression que le message est forcé dans la scène dans lequel il est censé apparaître. Après, je ne peux qu’être admiratif de la démarche des auteurs d’insérer ce genre de messages, puisque ça ne se fait que très rarement dans le domaine de l’animation « grand public » et, comme dit plus haut, ça peut vraiment avoir un impact positif sur le spectateur sur le plus long terme.

Un autre détail qui fait plaisir vient aussi de ses critiques envers le star-system et la société actuelle. Là encore, ce n’est pas non plus subtil par endroits, mais la série glissera parfois des piques bien senties envers des groupes sexistes, la notoriété de certaines célébrités ou bien des chaînes d’information américaine (comme notamment une blague où, pour parler d’un sujet concernant uniquement les femmes, un groupe constitué uniquement de vieux hommes blancs conservateurs seront invités sur les plateaux télé). La série est très engagée d’un point de vue politique et pour quelqu’un comme moi qui partage 99% des idées des auteurs de ce show, ça fait vraiment plaisir à voir.

Et, dans un sens, je me rends compte en écrivant ce billet que c’est peut-être pour ça que la série me parle tellement. Je me reconnais énormément dans presque tous ses personnages principaux (qui sont cinq et tous très bien développés et complexes). Je me reconnais dans ses idées. Et… Je peux faire écho à beaucoup de situations montrées dans ces épisodes à ma propre vie, faisant que certains épisodes sont beaucoup trop efficaces (en enlevant l’alcool et les drogues, puisque je ne touche pas du tout à ces choses-là) et me donner cette désagréable sensation que la journée est plus ou moins terminée et qu’il n’y a plus rien d’autre à ajouter.

En relisant cet article, je me rends compte que j’ai été assez évasif. Et c’est finalement tant mieux, puisque je ne peux que vous recommander de découvrir cette série sans trop en connaître. Sachez juste que c’est très souvent très drôle, très souvent très dur et que c’est très fortement déconseillé aux personnes en dessous de seize ans non pas à cause du fait qu’il y a du sexe, du sang et des gros mots, mais parce que je suis convaincu que la série perd en efficacité si vous n’avez pas encore été suffisamment frappé dans l’estomac par la vie. Cette série vous en filera quelques uns supplémentaires et vous allez rire, pleurer, mais aussi lui dire merci, car c’est en ça que BoJack Horseman est une véritable série adulte et mature : elle peut vraiment vous offrir un reflet de votre propre vie et remettre les choses sous un angle différent et possiblement meilleur.

Benjamin « Red » Beziat